Un étranger arrivant pour la première fois dans le royaume du Cœur aura l'impression d'entrer dans un véritable paradis terrestre.
Des jardins luxuriants à la coupe parfaite, des roseraies à perte de vue et des fontaines étincelantes parsèment ses villes, tandis que des plaines verdoyantes tapissées de fleurs champêtres où virevoltent des abeilles tapissent ses campagnes.
La capitale, une ville portuaire aux murs de pierre blanche rivalisant d'éclat avec le soleil, constitue le joyau du royaume.
Réputé pour son artisanat et ses produits de luxe comme ses parfums ou encore ses soies précieuses, le Cœur a su faire fructifier son savoir-faire à travers le monde.
Malgré ce vernis aguicheur, les qualités de cet état constituent également ses défauts, ses classes dirigeantes se vautrant dans les excès aux dépens des classes de moindre importance.
Ce phénomène augmente encore dans les castes du palais pour atteindre son apogée avec la famille royale où son goût pour les arts n'a d'égal que son attrait pour les déviances les plus taboues.
Innocent Violain était à l'origine l'un des innombrables jardiniers du royaume, chargé des roseraies du quartier Est de la capitale avec plusieurs de ses collègues.
Alors qu'il travaillait sous un soleil de plomb, il fît une découverte qui changerait sa vie et celle de tout l'État.
Il s'agissait d'un coffret de noyer scellé enfoui dans la terre.
Loyal, il apporta celui-ci à son chef qui le fit remonter jusqu'à la reine, le roi étant absent ce jour-là.
En ouvrant le coffret, elle reconnut immédiatement quatre masques d'asservissement et une épaulette de pouvoir, de puissants artefacts permettant de contrôler en partie leurs porteurs, les piégeant dans leurs bassesses cachées et les enchaînant à la volonté du possesseur de l'épaulière.
À partir de cet instant, la reine affubla Innocent de l'un des masques et en fît son Valet personnel afin de ne jamais oublier, parmi ses innombrables sujets, lequel d'entre-eux était celui qui qui lui apporta ce pouvoir extraordinaire.
Désormais enchaîné aux caprices de sa dirigeante, Innocent perdit toute liberté.
Afin de garder son secret, on bâillonna le malheureux d'un épais cadenas, le condamnant à garder le silence jusqu'à la fin de ses jours.
Depuis, équipé d'une grande serre métallique, il erre dans le royaume à moitié fou, poussé par la reine à assassiner toute personne désireuse de le libérer de ses entraves.
Le concept original du personnage du valet de cœur vient de la fin de mon année de prépa d'art où, dans le cadre d'un projet de jeu-vidéo, le joueur évoluait dans la tête d'un schizophrène, ses différentes personnalités naissant au gré des choix pris au fil de l'aventure.
Il s'agissait alors d'une sorte d'ange mélancolique un peu fadasse.
C'était néanmoins une bonne base à développer !
J'ai augmenté le curseur tragique de cet être avec le détail du verrou sur une bouche déjà obstruée par un masque.
La main droite quant à elle est terminée en faucille sanglante qui, associée à la gauche sur le cœur, créé un contraste : la tristesse et la souffrance du visage d'une part, la barbarie des membres d'autre part.
Aussi, j'ai poussé l'idée avec le trousseau de clef qui jure avec cette main incapable de manier pareil ustensile.
On a donc un personnage aux allures de pantin psychopathe dont l'histoire vient le plonger dans une infinité de tourments.
Un être naïf puni pour sa bonne volonté par un monde cynique et mauvais.
Augustin Vermeil, l'un des mignons du harem royal et favori de la reine, se vit élevé au rang de Cavalier à l'apparition des masques (voir Valet de Cœur).
Si sa liberté disparaissait avec cette nouvelle servitude, ses capacités se développaient sous l'effet du sortilège.
Devenu un guerrier redoutable, sa vivacité et ses réflexes foudroyants lui donnaient rapidement une réputation de combattant invincible, alliant la manière au résultat : chaque victoire étant obtenue avec élégance et grâce.
Depuis six ans, un grand tournoi rassemblant des combattants du monde entier se déroule dans le royaume de Cœur et le Cavalier se fait un devoir d'y participer à chaque occasion.
À ce jour, il y demeure invaincu.
Les ennemis battus par Augustin sont aujourd'hui innombrables et ce dernier apporte une partie du corps de chacune de ses victimes à sa reine qui les accumule dans une salle spécialement dédiée.
Le cavalier de cœur est l'un des derniers personnages que j'ai dessiné dans ce projet.
À l'origine, l'idée d'un abruti sur un cheval blanc désireux de constamment prouver sa valeur à la reine me plaisait beaucoup, au point que j'ai poussé l'idée jusqu'à le faire chevaucher une poule géante !
L'idée des masques accentuant les défauts était une idée très plaisante et, l'univers décadent du royaume de Cœur germant en parallèle, le cavalier est peu à peu devenu un personnage plus sérieux.
Alors que je commençais à le dessiner sur son cheval, les galères anatomiques liées à la bête, saupoudrées d'une perspective pernicieuse m'ont permis de trouver par sérendipité cette monture serpentine.
L'ensemble avait une allure nouvelle et la grâce des lignes coïncidait parfaitement à l'idée que je me faisais de la famille.
Ne restait alors plus qu'à peaufiner le tout.
Le cavalier tel qu'il existe aujourd'hui était né !
Issue des hautes sphères de la noblesse du royaume du Cœur, Raphaëlle Delacier sut séduire le jeune prince et devenir Reine après avoir empoisonné le père de son époux.
Arrivée au statut de reine, elle dévoila des talents de gestionnaire implacable, aussi froide qu'une lame, régissant les affaires internes du royaume avec autorité.
Une fois au faîte du pouvoir, elle se rendit rapidement compte que sa vie évoluait sans remous, les palais de miroirs et ses cohortes de servants l'ennuyaient de plus en plus.
Bientôt, cet ennui se mua en cruauté, puis en sadisme.
L'épisode des masques (voir Valet de Cœur) changea sa vie et elle profita dès lors de cette aubaine pour asservir le roi, prenant de cette manière le contrôle total du royaume de Cœur.
Régissant depuis le royaume au gré de ses caprices et maniant la volonté du roi avec dextérité, la reine joue désormais au jeu délicat de la géopolitique, ses rêves de conquêtes se révélant chaque jour plus dévorants.
« Un cœur à l'endroit sur un cœur à l'envers », voilà comment est né ce personnage, première figure réalisée à l'époque par amusement par rapport à cette idée conceptuelle.
L'idée d'en faire une sorte de pin-up était alors évidente, à la manière d'une Jessica Rabbit, totalement outrancière !
Au début, il était question de créer une dame de cœur pour le plaisir et puis l'idée de réaliser les autres têtes est venue.
C'était l'occasion de se lancer dans un chouette projet, pourquoi pas !
Et puis l'idée du tarot est venue comme ça, promettant monts et merveilles… et des années de travail pour aboutir à ce jeu et finalement cet univers !
J'ai voulu en faire une peste, une fille gâtée et vulgaire, luisante de maquillage et promise à une vieillesse confite d'aigreur !
Une femme manipulatrice qui tire les ficelles, en bref un genre de personne tout à fait recommandable.
César Delaroseraie dit « Le Machiavélique » est le jeune roi de la monarchie de Cœur.
Dès l'enfance, le jeune prince était un enfant vicieux qui ne reculait jamais devant l'accomplissement de forfaits odieux.
Bien qu'assagi arrivé à l'âge adulte, il garda toujours un fond mauvais et calculateur.
Ce fût précisément ce dernier point qui causa sa perte.
Lorsque sa reine lui tendit un masque d'albâtre à l'occasion de quelques jeux érotiques, César trouva l'occasion idéale pour assassiner sa femme, elle qui prenait décidément trop d'assurance depuis quelques temps.
Une fois le visage blanc fixé au sien, l’envoûtement perdit le roi qui se retrouva sous la volonté de la reine.
Aujourd’hui, pour la population de son royaume, César reste le souverain incontesté.
En réalité, il n'est désormais plus qu'un pathétique comploteur enragé qui manigance complot sur complot pour se venger de la reine, complots retournés contre les ennemis du Cœur par la volonté de Raphaëlle.
Le roi de cœur est l'évolution d'un concept développé des années avant la réalisation du tarot : une sorte d'escogriffe portant un masque doré et une crête de punk violette.
Jadis, je l'avais appelé « La Voie de la Vérité » (et je voulais en faire une sculpture à taille réelle – dans les 2m de haut – en matériaux de récupération…).
L'intérêt premier de cet être est sa dynamique globale.
Lors de la réalisation des premiers personnages du jeu, je m'étais obligé à rester dans le cadre des cartes sans jamais déborder.
Comme les contraintes poussent à inventer et à se dépasser, je bataillais pour trouver une solution satisfaisante.
Au final, le fait de le faire flotter dans l'air combiné à son sourire très vicieux ponctué de grands ongles rouges en ont fait une entité à la fois charismatique, inquiétante et avec un paquet d'araignées au plafond : parfait pour un bon roi de cœur en somme !
